Cas d’expertise d’une parcelle: l’ I. A. sait tout, enfin presque !
Un courrier nous est parvenu concernant les teneurs en métaux et métalloïdes d’une parcelle située à Durfort en bordure du ruisseau de Vassorgues. Ces résultats adressés sans aucun commentaire par la Préfecture au propriétaire de la parcelle, ont été analysés par ce dernier en utilisant l’Intelligence Artificielle.
Le tableau présente les concentrations de différents éléments chimiques (métaux et métalloïdes) dans un échantillon de sol.
On y compare les résultats mesurés avec des seuils réglementaires ou de référence.
- Substances analysées : As (arsenic), Ba (baryum), Cd (cadmium), Cr (chrome), Cu (cuivre), Fe (fer), Mn (manganèse), Ni (nickel), Pb (plomb), Sb (antimoine), Zn (zinc)
- Unité : mg/kg (milligrammes par kilogramme de sol)
- Résultats mesurés (colonne “SOL 0-40”) : ce sont les concentrations trouvées dans l’échantillon de sol.
- Limite HCSP 2014 : valeurs de référence françaises du Haut Conseil de la Santé Publique au-delà desquelles il peut y avoir un risque pour la santé.
- ET (Zone 1) : seuils d’Évaluation Toxique, probablement utilisés dans une réglementation locale (à vérifier dans le contexte du rapport).
Elément |
Résultat mg/kg |
Limite HCSP 2014 |
Interprétation |
As (Arsenic) | 1.96 | 15 | Sous la limite |
Ba (Baryum) | <LOD non détecté | 4 500 | Aucun problème |
Cd (Cadmium) | <LOD non détecté | 2.3 | Aucun problème |
Cr (Chrome) | 0.74 | 39 | Trés faible |
Cu (Cuivre) | 44.9 | 18 827 (ET) | Trés faible |
Fe (Fer) | 24 600 | Pas de limite donnée | Présent naturellement en grande quantité, pas préoccupant |
Mn (Manganèse) | 551 | Pas de limite donnée | Normal |
Ni (Nickel) | 2.15 | 27.73 (ET) | Conforme |
Pb (Plomb) | 155 | 300 | Sous la limite |
Sb (Antimoine) | 4.51 | 10.5 (ET) | Conforme |
Zn (Zinc) | 451 | 596 | Sous la limite |
Bilan : tout est conforme aux valeurs de références
Première question : les valeurs de références sont-elles les bonnes ?
La réponse est globalement oui, mais. Par exemple la valeur de référence en plomb d’un sol est de 300mg / par kilo de matière sèche. Cette référence est en théorie celle d’une limite maximale tolérable au-delà de laquelle existe un lien entre toxicité de l’environnement et santé humaine.
Les normes utilisées par l’I.A. sont celles fixées par la HCSP en 2014 (Haut Conseil de la Santé Publique en France). On constate que certaines ne sont pas actualisées. Ainsi pour le cadmium, la valeur de retenue ici est de 2,3 mg/ kg alors que la valeur de référence déterminée par la HAS (Haute Autorité de Santé) dans sa dernière publication datant d’Aout 2024 est de 1mg/kg pour les adultes et 0,5 mg/kg pour les enfants de moins de 7ans.
Bon, ne chipotons pas, la parcelle est conforme aux valeurs de références.
Deuxième question : les résultats de cette parcelle étant conformes, qu’en est -il de l’exposition aux risques individuels (ERI) ?
En effet, ces chiffrages bruts ne prennent pas en compte la fréquence, la régularité d’exposition par an et la nature du public (adulte et enfant). Il convient donc de prendre en compte la durée et la nature de l’exposition (jardinage ou/et agrément, récolte de végétaux, ingestion de végétaux). Cela s’appelle l’excès de risque individuel (ERI).
Comme souligné par les services de l’état « L’excès de risque individuel (ERI) est calculé à partir de la dose journalière d’exposition (DJE) ou la concentration moyenne d’exposition (CME) et l’excès de risque unitaire (ERU). L’ERI est la probabilité, à la concentration réelle en polluant, d’avoir un effet sur la santé ». Comme exemple concret, pour le stade foot/terrain de pétanque/skate park, toujours en se basant sur les normes HCSP (2014) Geoderis ( référencé 2022, publié en octobre 2024, p 221), ramène la teneur d’alerte en plomb à 100mg /kilo de matière sèche.
Troisième question : Est-ce possible de cultiver et récolter sur cette parcelle ?
- des fleurs ? très bien ;
- des tomates ? très bien, elles ne chargent pas les métaux lourds ;
- des carottes, navets, radis … peut-être ? il faut savoir tout de même que la plupart des « légumes racines » stockent les métaux lourds ;
- des choux, épinards, poireaux, salades ? mauvaise idée, les « légumes feuilles » stockent fortement les métaux lourds et pour la mâche, c’est pire, car elle les stocke encore 10 fois plus que les autres salades ;
- du thym ? très mauvaise idée : stockage intensif de métaux lourds/métalloïdes ; c’est une des rares plantes qui arrive à vivre et prospérer sur les résidus de stockages miniers les plus chargés en métaux et métalloïdes.
- des champignons ? métaux les plus dangereux transformés en composés hautement toxiques : Mercure, Plomb et Cadmium.
Qu’en est-il des autres parcelles étudiées dans les scénarios du rapport Geoderis 2022, publié en 2024 ?
19 parcelles ont fait l’objet d’une « Fiche scénario » dans le rapport précité. Les teneurs en Plomb, Arsenic et Zinc de 13 d’entre elles sont figurées ci-dessous.
Le bilan est évidemment la très forte hétérogénïté des teneurs en Plomb.
Une source de pollution majeure connue depuis le rapport de Geoderis en 2008

En conclusion
Une pollution métallique demeure bel et bien réelle dans le secteur minier de Durfort-Fressac. Elle se manifeste avec des degrés très variables selon les secteurs.
En se basant sur le plomb, les valeurs s’échelonnenent entre 150 mg/kg/ms (parcelle analysée par l’IA) à plusieurs milliers de milligrammes (jusqu’à 6000 mg/kg/ms) sur des parcelles d’usage public et privé et atteignent prés de 100 000 mg/kg/ms sur les zones sources de pollution (voir ci-dessus).
La dissémination de cette pollution continuera à se poursuivre tant que des mesures sérieuses de confinement et/ou d’élimination des sources majeures, désormais bien connues (rapports Geoderis 2008 et 2022, publié en 2024), ne seront pas réalisées.
André Charrière et Béatrice Llinares
Membres du CA dADAMVM